Ça y est nous quittons Mindelo direction Santa Luzia ! Mindelo c’était sympa mais le vent fini par te poncer le cerveau (dixit Maud d’un bateau copain). Enfin la suite nous montrera qu’à Mindelo on était pas mal abrité ! Première navigation pour Charlie notre équipier Australien, dans le chenal entre les iles il y a 25 nœuds établis et nous devons remonter au vent avant la bascule de la marée sinon on ne pourra pas passer avec le courant, un peu tendu ce début de navigation. Avec un coup de moteur à la fin pour aider on sort du chenal entre Sao Vicente et Santo Antao juste à temps, ouf ! Le vent baisse un peu au nord de l’ile et nous pêchons notre plus gros poisson, un thon albacore de 8kg ! Ensuite on passe dans le chenal entre Sao Vicente et Santa Luzia et là le vent remonte, enfin le mouillage au sud de l’ile, 35 noeuds avec des raffales à 40 ! Aaahh y en a marre de ce vent ! Bon en attendant avec le thon nous avons de quoi nous occuper, sushis, saucisson, poisson séché, poisson gravlax, steak … Santa Luzia est une ile déserte, il y a juste un campement de pêcheur, on avait prévu d’y passer 2 ou 3 jours, d’aller à terre se balader, de plonger … mais là avec le vent on n’arrive même pas à tenir debout sur le pont du bateau alors on lève l’ancre et on va voir ailleurs si le vent souffle moins. La suite nous montrera qu’il peut y avoir encore plus de vent, en passant à coté de l’ilot Branco, la mer se met à fumer et le vent s’établit à 45-48 nœuds, vraiment furieux! Heureusement, j’avais anticipé et réduit le peu de génois qu’on avait sorti. Le reste de la navigation est soutenue avec de nouveau 30 nœuds au près dans le chenal entre Ilheu Raso et Sao Nicolau, et soudain plus rien ! zéro ! on affale les voiles, on allume le moteur pour rejoindre le mouillage de Tarrafal de Sao Nicolau, génial le calme à l’abri de la montagne ! A peine mouillé nous affalons la grand voile qui est de nouveau déchirée ! Je recouds vite fait car je n’arrive pas à bien me caler pour remettre une pièce, on verra ça à Praia.
Tarrafal de Sao Nicolau est un village de pêcheur et le seul port de l’ile. Nous sommes accueillis sur la plage par les enfants qui veulent tous garder notre annexe contre quelques pièces, on choisi Eddy qui sera notre gardien pour le séjour. Ici pas de touristes, nous sommes pour l’instant les seuls. Première virée dans l’ile vers le village de Cachaço, point d’entrée dans le parc naturel du Monte Gordo. Nous repérons un endroit où planter les tentes pour notre prochaine rando. La vallée de Ribeira Brava est impressionnante vue d’ici et nous empruntons l’ancienne route pavée pour descendre à la ville. Sur les hauteurs les terrasses sont abandonnées sur celles du bas quelques cultures de canne à sucre. En passant à coté d’une ferme nous sentons l’odeur caractéristique du jus de canne fermenté, c’est une trapiche, un moulin à canne qui sert à fabriquer le grog. Ribeira Brava est la « grande » ville de l’ile, on reconnait bien le style colonial portugais, quelques beaux bâtiments, mais aujourd’hui c’est dimanche il n’y a pas un chat dans les rues. Sao Nicolau fut une ile fertile, mais plusieurs sécheresses et une invasion de sauterelles ont eu raison de cet équilibre fragile, il subsiste par endroit des zones vertes avec des légumes, bananes, papayes, canne à sucre.
La plage de Baixo de Rocha est la plus belle plage de l’ile, elle est à 8km au sud de Tarrafal, nous nous y rendons une première fois à pied par une piste. Le paysage est lunaire. Les nuages sur les hauteurs et le fort vent font que par endroit nous recevons des gouttes d’eau. Au bout de la piste, la plage de sable blanc avec le rocher dans l’eau, magnifique, entourée par des falaises d’orgues basaltiques, des grottes creusées dans le tuf et une énorme dune. L’endroit est désert, nous profitons de l’eau claire pour faire de la plongée. Tout le monde a envie de revenir ici avec le bateau pour profiter plus longtemps du lieu.
Retour au bateau pour préparer notre rando dans le parc naturel du Monte Gordo pour rallier Praia Branca depuis Cachaço. En milieu d’après midi nous prenons un collectivo pour le village de Cachaço. La montagne est dans les nuages, il fait frais et humide, arrivés au lieu de campement qu’on avait repéré, les eucalyptus sont ruisselants, en fait c’est dépaysant pour nous qui n’avons pas vu la pluie depuis 5 mois. On installe nos tentes sur une aire à coté de la maison forestière du parc qui semble abandonnée, c’est tout plat, parfait. Malgré les interdictions nous allumons un feu pour faire griller nos saucisses, il faudra toute la science du feu de Charlie, Australien et de Siméon, dit Samboun et ancien scout pour faire flamber le bois. Le lendemain c’est le même temps humide, nous montons en direction du sommet, le chemin est bordé par endroit de terrasses avec des caféiers, il y a pas mal de monde qui travaille pour nettoyer les sous bois et préparer la terre. Charlie part faire le sommet seul, nous continuons l’itinéraire principal. Sur un versant derrière le sommet, la montagne ruisselle de partout, des agaves bien vertes poussent en abondance, incroyable. Nous passons un col et commençons à redescendre dans une vallée, changement d’ambiance nous retrouvons les arbustes rabougris et les herbes sèches. Après la pause déjeuner nous arrivons au col qui permet de descendre dans la vallée de Ribeira da Prata, c’est une partie de l’ile très montagneuse et enclavée, nous traversons le village de Cruzinha, ici il n’y a pas de voiture, tout se fait à dos d’âne. Un dernier col et enfin la descente sur le village de Praia Branca, encore des terrasses sur toutes les pentes de la vallée on se croirait au Pérou. Praia Branca, les rues sont quasi désertes, un gars assis au coin d’une rue nous indique une épicerie ouverte avec des bières fraiches. Le gars parle anglais, il a parcouru le monde et maintenant il est assis là toute la journée, il discute avec les passants, il nous explique qu’ici presque personne n’a de travail, l’argent arrive de l’extérieur par les quelques 700 000 Cap-Verdiens vivants à l’étranger. Drôle de pays où plus de la moitié de la population vit en dehors du territoire.
Voilà une bonne semaine qu’on est au mouillage à Tarrafal, nous levons l’ancre pour une courte navigation vers la fameuse plage de Baixo de Rocha. Du vent recharge nos batteries mais ne nous empêche pas de profiter de la plage. En fin d’après midi deux barques de pêcheurs viennent dans la baie, ils tendent un filet et le referment en le tirant depuis la plage. Après avoir observé leur manœuvre, nous nous approchons, aussitôt le chef des pêcheurs nous fait signe de venir, avec Siméon je me retrouve à haler le filet, puis à le replier et enfin à remonter les barques sur la plage. Nous découvrons les prises avec eux, des petites bonites, des sars, une rascasse et d’autres poissons dont les pêcheurs nous ont donné le nom local des garoupas, des kup-kups (rascasse volante), des bidious (poissons perroquets). Aussitôt la pêche est distribuée entre les hommes, ils nous donnent la rascasse, délicieux par ailleurs, et nous leur achetons un gros sac d’autres poissons pour 10€. Flich est le meneur du groupe, il nous explique qu’ils vont dormir sur la plage et repartir dans la nuit pour pêcher et que le lendemain, dimanche, ils reviennent sur la plage pour faire griller du poisson, il nous invite donc à venir passer la journée avec eux, ok de toutes façons nous sommes sur place. Dimanche midi, nous sentons l’odeur des grillades depuis le bateau et Flich vient à la nage nous chercher. C’est marrant mais que font les pêcheurs le weekend … ils organisent une partie de pêche entre amis ! Certains pêchent à la ligne, d’autres au harpon des poissons et du poulpe. Ils cuisinent une grosse marmite de riz et une autre de légumes, du poisson grillé et du grog! L’ambiance est vraiment sympa. Flich me propose de m’initier à la chasse au harpon. Je prends mon harpon qui n’a jamais servi (à part Eric qui l’a utilisé à Madère) et c’est parti, pas si simple sous l’eau de se stabiliser, de viser, le tout en apnée, je touche un poisson mais il arrive à se dégager, pas grave Flich en ramène 6. Pour le retour à Tarrafal, il vient avec nous sur le bateau, il est content de prendre la barre.
Un catamaran arrive au mouillage, il y a un enfant à bord, Siméon et Loïza sautent immédiatement dans l’annexe et montent à leur bord, depuis le temps qu’ils n’ont pas rencontré d’enfants, ils sont trop content d’avoir un copain de jeux. Michel, Marie, Timothée et leur équipier Hugo nous invitent pour la soirée à leur bord. Rencontre très sympa qui nous fera prolonger notre escale à Sao Nicolau.
Nous faisons donc une dernière virée dans la partie est de l’ile. Le village de Juncalinho est presque au bout de la route ensuite c’est la montagne qu’il fait passer en 4×4 ou à pied. A Juncalinho, il n’y a pas grand chose, une épicerie, une église, mais en descendant sur la cote il y a un site de piscines naturelles. L’endroit est très joli et agréable, certains bassins sont assez profonds pour nager et l’eau est chaude! Retour à Tarrafal, demain c’est le départ pour un autre Tarrafal sur l’ile de Santiago.
Charlie a hâte d’y aller, c’est sa première « grande » navigation, environ 17h et surtout sa première nuit en mer. Le vent nous pousse, la mer est désordonnée mais les conditions sont assez bonnes, au petit matin nous entrons dans la baie de Tarrafal à l’abri du vent. Je suis à la table à carte quand Aurélie m’appelle, une baleine ! une baleine ! à 50m du bateau, on voit son dos plusieurs fois et sa nageoire caudale ! Elle a plongé. Magnifique, avec la falaise en arrière plan, mais pas le temps de prendre des photos. Un bel accueil en tout cas, ah c’est beau Tarrafal !